A. de Musset, Les Caprices de Marianne, 1833 - Extrait

Modifié par Delphinelivet

Cœlio est fou amoureux de la belle Marianne, une jeune femme de dix-neuf ans, mariée à un vieux juge auquel elle reste fidèle. Sa seule distraction est de se rendre à l'église plusieurs fois par jour. Désespéré de ne pas oser l'approcher, Coelio demande l'aide d'Octave, le cousin de Marianne, afin qu'il puisse intercéder en sa faveur. 


Extrait de la scène 1 de l'acte I. 

OCTAVE.
[...] Cruelle Marianne ! Vos yeux ont causé bien du mal, et vos paroles ne sont pas faites pour le guérir. Que vous avait fait Cœlio ?

MARIANNE.
De qui parlez-vous, et quel mal ai-je causé ? 

OCTAVE.
Un mal le plus cruel de tous, car c’est un mal sans espérance ; le plus terrible, car c’est un mal qui se chérit lui-même et repousse la coupe salutaire jusque dans la main de l’amitié ; un mal qui fait pâlir les lèvres sous des poisons plus doux que l’ambroisie1, et qui fond en une pluie de larmes le cœur le plus dur, comme la perle de Cléopâtre ; un mal que tous les aromates, toute la science humaine ne sauraient soulager, et qui se nourrit du vent qui passe, du parfum d’une rose fanée, du refrain d’une chanson, et qui suce l’éternel aliment de ses souffrances dans tout ce qui l’entoure, comme une abeille son miel dans tous les buissons d’un jardin.

MARIANNE.
Me direz-vous le nom de ce mal ?

Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, 1833, Acte I, scène 1


1. Ambroisie : nourriture au goût ou au parfum délicieux destinée au dieux de l'Olympe et donnant l'immortalité.


Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/francais-premiere ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0